Recouvrement des dommages-intérêts
Obtenir un jugement pénal qui vous accorde des dommages et intérêts est une étape importante.
Mais très souvent, l’auteur ne paie pas spontanément… et la vraie bataille commence alors : celle du recouvrement.
Entre les procédures avec un commissaire de justice (ex-huissier), le SARVI, la CIVI, les fonds d’indemnisation (terrorisme, accidents de la route…), il est facile de s’y perdre. L’avocat a ici un rôle central pour transformer une décision de justice en indemnisation réelle.
Après le procès : pourquoi le recouvrement est souvent difficile
À l’issue du procès pénal, le tribunal ou la cour d’assises vous accorde des dommages et intérêts. Sur le papier, c’est une victoire. Dans la pratique :
l’auteur peut être insolvable, sans patrimoine ni salaire saisissable ;
il peut être de mauvaise foi et « organiser » son insolvabilité ;
il peut être incarcéré, sans véritables ressources ;
ou tout simplement disparaître, changer d’adresse, ne plus répondre.
Résultat : sans démarche active de recouvrement, beaucoup de victimes ne reçoivent jamais ce qui leur a été accordé.
C’est précisément pour cela qu’il existe des outils juridiques et des fonds d’indemnisation spécifiques.
Le recouvrement « classique » avec un commissaire de justice
Premier réflexe : si l’auteur est solvable, ou que vous disposez d’informations sur son emploi ou ses biens, il est possible de passer par un commissaire de justice (nouveau nom des huissiers de justice).
Concrètement, à partir du jugement pénal définitif, le commissaire de justice peut :
tenter un recouvrement amiable (courriers, mises en demeure) ;
pratiquer des saisies sur salaire, sur comptes bancaires, sur des biens mobiliers, voire sur un bien immobilier ;
mettre en place un échéancier, si un paiement en plusieurs fois est négocié.
Les frais sont en principe à la charge du condamné, mais il faut souvent en avancer une partie. Ce type de recouvrement est efficace lorsque le condamné a un emploi déclaré, des comptes approvisionnés, un patrimoine identifiable.
Quand ce n’est pas le cas, il faut envisager d’autres voies.
La CIVI et le FGTI : l’indemnisation par la solidarité nationale
Lorsque l’auteur est insolvable ou inconnu, ou que les préjudices sont très importants, la loi permet de saisir une Commission d’indemnisation des victimes d’infractions (CIVI).
La CIVI est une juridiction civile, présente dans chaque tribunal judiciaire, qui peut accorder une indemnisation totale ou partielle aux victimes d’infractions répondant aux conditions des articles 706-3 et suivants du Code de procédure pénale (infractions graves, atteintes à la personne, certains dommages matériels sous conditions, etc.) ou 706-14 (atteinte aux biens).
L’indemnisation est versée par le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions (FGTI).
Quelques points essentiels :
la CIVI peut être saisie même si l’auteur n’a pas été jugé, ou s’il a été relaxé, dès lors que les conditions de l’article 706-3 sont remplies ;
l’évaluation du préjudice par la CIVI est autonome : elle peut être identique, supérieure ou inférieure aux montants fixés par la juridiction pénale ;
le FGTI doit verser les indemnités dans des délais encadrés, en principe dans le mois suivant la décision définitive de la CIVI, sauf recours ;
une fois qu’il a indemnisé la victime, le FGTI exerce un recours contre l’auteur pour récupérer les sommes.
La procédure CIVI est très technique (délais, formulaires, expertises, échanges avec le FGTI). L’avocat est précieux pour :
vérifier si vous entrez dans un des cas prévus (homicide, violences graves, agressions sexuelles, etc.) ;
chiffrer l’ensemble de vos préjudices (corporels, moraux, économiques) selon la nomenclature habituelle ;
assister lors des expertises médicales et des audiences ;
contester, le cas échéant, une offre insuffisante ou une décision défavorable.
Le SARVI : aide au recouvrement des petites et moyennes condamnations
Le SARVI (Service d’aide au recouvrement des victimes d’infractions) est un service géré par le Fonds de garantie des victimes, destiné aux victimes qui ont obtenu des dommages et intérêts devant une juridiction pénale, mais ne sont pas indemnisables devant la CIVI.
Conditions principales (à vérifier au cas par cas) :
être une personne physique, victime d’une infraction ;
avoir obtenu des dommages et intérêts par une décision pénale définitive (tribunal correctionnel, cour d’appel, cour d’assises)
que le condamné ne vous ait pas payé dans les deux mois ;
ne pas pouvoir (ou ne plus pouvoir) être indemnisé par la CIVI au titre de l’article 706-3 ou 706-14 du Code de procédure pénale ;
saisir le SARVI dans l’année qui suit la décision devenue définitive (ou la décision de rejet de la CIVI).
Montant versé par le SARVI :
si la condamnation est inférieure ou égale à 1 000 € : le SARVI paie la totalité ;
si elle est supérieure à 1 000 € : le SARVI verse une avance de 30 % du montant, avec un minimum de 1 000 € et un maximum de 3 000 €.
(L’avance est versée en principe dans les deux mois suivant la réception du dossier complet.)
Ensuite, le SARVI se retourne contre l’auteur pour récupérer les sommes et, si possible, vous verser un complément, dans la limite prévue par la loi.L’avocat vous aide à vérifier si vous remplissez les conditions, à compléter le formulaire, à joindre les pièces utiles (jugement, justificatifs, coordonnées bancaires…), et à choisir la meilleure stratégie entre SARVI, commissaire de justice et/ou CIVI.
Fonds spéciaux : terrorisme et accidents de la route
a) Victimes d’actes de terrorisme
Les victimes d’actes de terrorisme (blessées ou choquées, ainsi que les proches de victimes décédées) bénéficient d’un régime spécifique. Elles sont indemnisées par le FGTI, au titre de la solidarité nationale, pour la réparation intégrale de leurs préjudices physiques, moraux et économiques.
La démarche est en général directe auprès du FGTI, sans passer par la CIVI, même si des articulations existent entre les deux procédures. Là encore, le rôle de l’avocat est d’aider à constituer un dossier complet dans un contexte souvent très lourd humainement.
b) Accidents de la route et FGAO
Lorsque l’accident de la circulation implique un véhicule non assuré, non identifié, ou dans certaines situations où l’assureur ne peut pas intervenir, le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (FGAO) peut prendre le relais.
Le FGAO indemnise notamment :
les victimes d’accidents de la circulation causés par un véhicule non assuré ou non identifié ;
les victimes de certains accidents causés par des piétons, cyclistes ou autres usagers non assurés ;
et, dans certaines hypothèses, les accidents causés par des animaux.
Ce dispositif ne se cumule pas avec une indemnisation intégrale par un assureur : le FGAO intervient plutôt « en complément » ou « à défaut ».L’avocat vérifie si les conditions du FGAO sont réunies, coordonne la procédure entre les différents intervenants (assureurs, FGAO, éventuel procès pénal), et veille à ce que les délais soient respectés.
Le rôle primordial de l’avocat dans le recouvrement
On l’a compris : entre les commissaires de justice, le SARVI, la CIVI, le FGTI, le FGAO, les règles de cumul et de délais, le recouvrement des dommages et intérêts est un véritable labyrinthe juridique.
L’avocat joue un rôle clé à plusieurs niveaux :
analyse de la situation après le jugement : auteur solvable ou non, existence d’assurances, montant du préjudice, type d’infraction ;
choix de la ou des voies d’indemnisation pertinentes (recouvrement forcé, SARVI, CIVI, fonds terrorisme, FGAO, action civile complémentaire, etc.) ;
montage des dossiers : formulaires, pièces justificatives, chiffrage détaillé des préjudices, calcul des intérêts, articulation avec les prestations de la Sécurité sociale et des organismes complémentaires ;
suivi des procédures et relances (FGTI, FGAO, commissaire de justice, juridictions civiles) ;
recours en cas de refus, d’offre insuffisante ou de difficultés d’exécution (appel civil, contestation d’une décision CIVI, procédures d’exécution).
Maître Mathéo MOREAU accompagne les victimes non seulement pendant le procès pénal, mais aussi dans cette phase décisive du recouvrement, pour que les sommes accordées par la justice – ou par les fonds d’indemnisation – deviennent une réalité et contribuent effectivement à la reconstruction de la victime.
Si vous avez obtenu des dommages et intérêts, ou si vous pensez pouvoir bénéficier d’un dispositif d’indemnisation (SARVI, CIVI, FGTI, FGAO…), il est utile de faire rapidement le point avec un avocat afin de ne pas laisser expirer les délais ni perdre des droits parfois essentiels.