Aménagement des peines
Être condamné à une peine de prison ne signifie pas forcément « partir en cellule » du jour au lendemain.
Le droit français prévoit de nombreuses formes d'aménagements qui permettent, dans certains cas, de purger tout ou partie de la peine en dehors de la prison, sous contrôle du juge.
1. Qu’est-ce qu’un aménagement de peine ?
Un aménagement de peine est une façon particulière d’exécuter une peine de prison ferme : au lieu d’être détenu 24h/24 dans un établissement pénitentiaire, le condamné exécute la peine en milieu ouvert (à domicile, en semi-liberté, dans une structure extérieure…) sous contrôle et avec des obligations strictes.
Quelques idées à retenir :
la condamnation reste la même (vous n’êtes pas « relaxé ») ;
ce qui change, c’est la manière de l'exécuter
l’objectif officiel demeure la réinsertion et la prévention de la récidive
Un aménagement de peine peut être décidé :
dès le jugement : on parle d'aménagement ab initio, prononcé directement par le tribunal correctionnel ou la cour d’assises ;
après le début d’exécution, par le juge de l’application des peines (JAP), parfois après avis de la commission de l'application des peines (CAP) ou du tribunal de l'application des peines (TAP)
2. Quelles peines peuvent être aménagées ?
La loi prévoit un traitement particulier pour les peines courtes d’emprisonnement ferme :
pour les peines inférieures ou égales à 6 mois, l’aménagement est en principe la règle, sauf impossibilité liée à la situation ou la personnalité du condamné ;
pour les peines entre 6 mois et 1 an, l’aménagement doit aussi être envisagé si la situation le permet, sauf impossibilité matérielle.
Au-delà, un aménagement reste souvent possible, mais :
plutôt après le jugement, devant le JAP ;
en tenant compte de la durée totale de la peine, de ce qui a déjà été exécuté, du comportement en détention, etc.
Attention : le régime exact dépend de votre situation (récidive ou non, cumul de peines, infractions commises à telle ou telle date…). Une étude précise de votre dossier est indispensable.
3. Les principaux types d’aménagements de peine
3.1. Détention à domicile sous surveillance électronique (bracelet)
Souvent appelée « bracelet électronique », la détention à domicile sous surveillance électronique (DDSE) permet :
de rester chez soi (ou dans un lieu fixé par le JAP),
avec des horaires strictes de sortie pour travailler, suivre une formation, des soins, s’occuper des enfants, etc.
Un boîtier et un bracelet permettent de vérifier à distance votre présence. En cas de non-respect des horaires, le JAP peut révoquer la mesure et ordonner votre incarcération.
3.2. Semi-liberté
La semi-liberté est un régime « mi-dedans, mi-dehors » :
vous sortez la journée pour travailler, vous former, rechercher un emploi, suivre des soins, participer à la vie familiale ;
vous réintégrez l'établissement pénitentiaire le soir et les jours non autorisés.
Là encore, le non-respect des horaires ou des obligations peut entraîner un retour en détention ordinaire.
3.3. Placement à l’extérieur
Le placement à l'extérieur permet d’exécuter la peine en travaillant ou en étant suivi dans une structure hors de la prison :
vous effectuez des activités encadrées (emploi, formation, prise en charge sanitaire, projet social) en dehors de l’établissement ;
vous restez placé sous le contrôle de l’administration pénitentiaire et du JAP.
Ce type de mesure est souvent mis en œuvre en lien avec une association ou un employeur partenaire.
3.4. Libération conditionnelle
La libération conditionnelle met fin à l’incarcération avant le terme de la peine, à condition de respecter des obligations pendant une période déterminée (travail, soins, indemnisation des victimes, interdictions diverses…).
Elle suppose en principe :
d’avoir exécuté une partie de la peine
et de démontrer des efforts sérieux de réinsertion (emploi, formation, projet de vie, démarches d’indemnisation des victimes…).
Attention : en libération conditionnelle, vous n'exécutez pas votre peine. Concrètement, un individu condamné à 4 ans de prison qui sortirait au bout de deux ans en libération conditionnelle pourrait, s'il commet un impair au bout de 18 mois, retourner en prison pour deux ans.
A l'inverse, la peine exécutée sous bracelet ou en semi liberté, est une exécution de la peine privative de liberté. Le temps passé sous bracelet sera, dans tous les cas, considéré comme du temps passé à exécuter la peine de prison.
3.5. Libération sous contrainte
La libération sous contrainte est un mécanisme qui oblige le JAP à examiner la situation de certaines personnes détenues à l’approche de la fin de peine :
après l’exécution des deux tiers de la peine, le juge doit se prononcer sur un possible aménagement (semi-liberté, placement extérieur, libération conditionnelle, DDSE).
L’idée est de préparer la sortie en milieu ouvert, plutôt que de libérer brutalement la personne à la date « sèche ».
3.6. Fractionnement et suspension médicale de peine
Dans certains cas particuliers, le JAP peut aussi :
fractionner la peine : la peine est exécutée en plusieurs périodes séparées, pour limiter, par exemple, la perte d’emploi ou permettre un traitement médical ;
prononcer une suspension médicale de peine lorsque l’état de santé du condamné est incompatible avec la détention ou engage son pronostic vital.
Ces dispositifs restent exceptionnels, mais peuvent être déterminants dans des situations graves.
3.7. Conversion des courtes peines : TIG et jours-amende
Pour les peines très courtes, il est parfois possible de demander :
une conversion en travail d'intérêt général ;
ou en jours-amende (somme versée au Trésor public chaque jour pendant une durée fixée).
L’idée est d’éviter une incarcération brève mais très désocialisante, en la remplaçant par une sanction utile et encadrée.
4. À quel moment demander un aménagement de peine ?
4.1. Pendant le procès : l’aménagement « ab initio »
Dès l’audience de jugement, votre avocat peut demander que la peine d’emprisonnement ferme soit aménagée dès son prononcé :
détention à domicile sous surveillance électronique,
semi-liberté,
placement à l’extérieur.
Dans ce cas :
le tribunal prononce la peine et indique qu’elle sera exécutée sous telle ou telle forme ;
le condamné est ensuite convoqué devant le JAP et le service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP) pour fixer les modalités concrètes (horaires, lieu de résidence, etc.).
C’est un enjeu majeur : un aménagement ab initio peut éviter le mandat de dépôt à l’audience et donc l’incarcération immédiate.
4.2. Après le jugement : la demande devant le juge de l’application des peines
Si la peine est déjà en cours d’exécution – ou si vous avez reçu un ordre de convocation pour mise à exécution – il est souvent encore possible de demander un aménagement :
le JAP peut être saisi par le condamné ou par son avocat,
il peut être saisi d’office ou sur réquisitions du parquet, notamment dans le cadre de la libération sous contrainte ;
un débat contradictoire se tient alors, soit au tribunal, soit directement dans l’établissement pénitentiaire ; le parquet prend des réquisitions, l’avocat plaide, puis le juge rend sa décision.
En pratique, il est capital de préparer ce débat comme une véritable audience : pièces, attestations, projet de sortie, logement, emploi…
5. Le rôle de l’avocat dans les aménagements de peine
L’article dont vous m’avez parlé insiste, à juste titre, sur le rôle central de l’avocat dans ces procédures. Sans reprendre sa formulation, on peut résumer l’intervention de l’avocat en trois temps.
5.1. Avant la condamnation : préparer et plaider l’aménagement
Dès l’étape du tribunal correctionnel ou de la cour d’assises, l’avocat :
étudie la peine encourue et les marges d’aménagement possibles ;
rassemble les pièces nécessaires (projet professionnel, promesse d’embauche, attestations de proches, justificatif de logement, certificats de soins, etc.) ;
propose au tribunal une solution d’aménagement ab initio adaptée : bracelet, semi-liberté, placement extérieur, voire fractionnement de peine selon les cas ;
plaide pour éviter la mise à exécution immédiate (mandat de dépôt) lorsque cela est juridiquement possible.
5.2. Pendant la détention : préparer le projet de sortie
Si la peine est déjà mise à exécution, l’avocat :
obtient un permis de communiquer pour rencontrer son client en détention ;
échange avec le conseiller pénitentiaire d’insertion et de probation (CPIP) pour faire avancer un projet d’aménagement (emploi, hébergement, soins) ;
aide le condamné et sa famille à construire un projet crédible et réalisable ;
rédige une requête en aménagement de peine ou prépare l’examen d’office devant le JAP.
Remarque : si vous êtes placé en détention provisoire ou que vous avez fait appel de votre jugement, l'avocat pourra déposer une demande de mise en liberté (DML). Cette demande n'est pas un aménagement de peine car vous êtes toujours présumé innocent. L'avocat devra démontrer que votre incarcération n'est pas nécessaire dans l'attente du procès en apportant notamment des garanties de représentation et en démontrant le faible risque de récidive.
5.3. Devant le JAP, la CAP ou le TAP : défendre l’aménagement
Lors du débat contradictoire :
l’avocat accompagne le condamné, l’aide à s’exprimer devant le juge ;
il répond aux arguments du parquet (risque de récidive, respect des obligations, antécédents…) ;
il défend la cohérence du projet d’aménagement, en montrant que cette solution est plus efficace que la détention pour la réinsertion et la sécurité de tous ;
en cas de refus ou de révocation d’un aménagement, il peut former appel devant la chambre de l’application des peines.
Si vous faites face à une peine de prison – pour vous-même ou pour un proche – vous n’êtes pas condamné à subir passivement la sanction.
Maître Mathéo Moreau peut vous recevoir pour vérifier les possibilités d’aménagement et de mettre en place une stratégie claire pour préparer la sortie et limiter autant que possible les conséquences d’une incarcération sur la vie familiale, professionnelle et personnelle.